Brutus et les fusains

Il était une fois, dans le lointain royaume de HoneyPot, un étudiant d’art prénommé Brutus

Brutus

Brutus venait d’être admis dans le prestigieux atelier Leonardo.

Il rêvait depuis l’âge le plus tendre de l’idée de devenir un artiste. Content et excité de son avenir, Brutus se mit à preparer sa rentrée.

Cet été, je vais élaborer un programme d’études infaillible afin d'améliorer mon niveau avant le début des cours ! — exclama Brutus avec illusion et se mit ensuite à contempler toutes ses possibilités et options.

Options infinies = Paralyse

Ainsi, Brutus passa trois semaines à construire la première partie de son programme d’études.

Cette première partie de son plan portait sur la recherche d’informations et des ressources didactiques pour apprendre à dessiner et à peindre.

Brutus chercha et recueillit des livres d’art, des cours en ligne, des articles et même des tutoriels sur HiveTube !.

Il passa aussi des heures et des heures à classer l’excessive quantité d’informations qu’il collectionnait.

Finalement, après avoir parcouru tout internet il se contenta des « peu » de ressources didactiques recueillis : Environ 300 gigaoctets d’information dont l’étude intégrale prendrait probablment toute la vie d'une petite abeille ordinaire. Mais Brutus n’était pas une petite abeille ordinaire — ou bien, c’était ce qu’il se disait pour justifier son addiction à le stocakge d'information-.

Finalement, j’ai ce qu’il me faut ! — se dit-il avec fierté.

Tu ne peux pas remplir ton verre s’il est déjà en train de déborder.

Brutus avait recueilli énormément d’information et de ressources. Ressources non seulement excessives mais éparpillés par ci et par là dans son disque dure — compte tenu de sa nature: les bookmarks dans le navigaeur, les livres sur son lecteur de fichiers, le tutoriaux sur une liste de reproduction de HiveTube, etc...

Comment les gérér de façon efficace? Comment optimiser leur "consommation" et "digéstion"?

Hummp...

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Je devrais établir un système de priorités pour classer ces informations en fonction de leur pertinence et faciliter ainsi leur consommation — se dit après quelques minutes de réflexion

Notre petite abeille passa donc tout le mois à concevoir un système de priorités. Pendant cette tâche incroyablement productive, il conclut qu’il fallait un logiciel de gestion de tâches pour gérer toutes ces ressources.

Mais encore une fois une nouvelle question se posa: lequel ?

Après avoir testé toutes les applications de gestion de tâches du marché, il trouva son bonheur dans une application nommée BeeDo, pas sans avoir perdu des longues semaines de temps passé plusieures semaines à le retrouver.

Brutus était content. Il avait finalement tout ce qu’il fallait ! Enfin, je crois...

Juste avant de se mettre à appliquer son merveilleux système d’apprentissage du dessin — et donc, juste avant de se mettre à apprendre — une pensée se glissa dans son esprit...

Eeemm, pour optimiser encore plus mon temps, je devrais distribuer toutes ces tâches et ressources le long de l’année. Cela me permettrait d’être encore plus efficace.

... Puis une autre...

Hummp. Je devrais aussi faire une estimation du temps que je vais allouer à chaque tâche...

... et une autre...

Pour cela, faudrait-il d'abord définir le type de tâche plus commun ?...

Et c’est ainsi qu’une avalanche d’idées pour améliorer son système d’apprentissage vint s’installer dans sa petite tête, bien trop petite pour accueillir et gérer toutes ces révélations en même temps. Brutus réalisa donc que l’apprentissage du dessin était une chose bien complexe...

Prêt à optimiser au maximum son système avant de commencer à l’appliquer, il fit donc face à cette colossale tâche avec détermination. Après otut, cela valait le coup ! — n’est-ce pas ?

Après quelques mois de travail dur et avec la rentrée au coin de la rue, Brutus était fier. Il avait fini son système d’apprentissage Brutus Art Roadmap 5000. Il restait juste à l’appliquer. Sa carrière artistique allait décoller comme une fusée, rien ne pouvait s’interposer entre lui et le triomphe !

Euh...

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Un moment, s’il vous plaît...

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Attendez... Ne serait-on pas en train d’oublier quelque chose d’important ?

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Les outils de dessin !

Il avait oublié le moins plus essentiel ! Quels outils de dessins allait-il utiliser ? Des pinceaux de la marque Beecius ? Des cahiers de la marque Beelicious ?...

Brutus provenait d’une famille aisée. Le coût des matériaux n’était pas donc un problème. Il voulait commencer avec les meilleurs outils qu’il pouvait se procurer.

Il se mit donc — encore — à la recherche et ainsi, un univers d’outils s’est donc ouvert à ses yeux et avec, tout un tas de questions vinrent se rajouter à sa liste de préoccupations: Quelle est la meilleure marque ? Dans cette marque, quel est le meilleur outil ? Quel est le produit le plus durable ?

Il n’était pas prêt à se conformer à des outils médiocres. Brutus voulait vraiment commencer sa carrière avec la crème de la crème. Il passa donc des semaines à faire une sélection de marques en faisant des recherches sur leur réputation. Ensuite, il construit une soignée liste de produits.

Il parcourut le net — pendant de longues et "productives" heures, voir des jours- en recherchant des avis sur les différents produits et fit une belle liste de produits à acheter. Au début, il crut que cela lui prendrait quelques minutes — lire quelques avis sur internet et prendre une simple décision n’est pas quelque chose de particulièrement difficile —, mais il réalisa vite son erreur et cette tâche simple en apparence se tourna rapidement en quelque chose de lourd et — étrangèment — agréable — ne serait ce pas parce que malgré la lourdeur de la tâche celle-ci restait dix mille fois plus facile à réaliser que faire face à une feuille blanche — et donc se mettre à produire de l’art — ?

Dieu n’a pas tout fait dans une seule journée. Que me fait penser que moi je pourrais ?

Brutus commanda ses outils artistiques chez Beemazon, dont des fusains, pièce clé de son plan — il avait décidé de commencer son apprentissage par cette technique et tout le programme d’étude s’enchaîne à partir de là

Quelques seconds après avoir passé commande chez Beemazon il reçut un courriel.

Cher client de Beemazon. Nous sommes dans le regret de vous informer qu’en raison d’un manque de stock, la livraison de votre article (Carcoal Beelicius) sera décalée de deux mois. En nous excusant de la gêne et vous remercient de votre patiente.

Aurélie. Votre contact chez Beemazon

Resigné. Vaincu. Abattu.

Brutus s’apprêta à attendre.

En attendant, l’idée d’essayer d’adapter son système pour commencer à l’appliquer le temps que ses fusains arrivent vint à son esprit. Malheureusement, cette idée était juste un toursit dans sa tête et a vite partie par là où elle est venue. Bizarrement, il n’avait pas trop envie d’adapter son programme, il n’était plus motivé.

Il décida donc de consacrer son temps à d’autres tâches en espérant que sa motivation revienne...

La motivation c'est ce qui te fera commencer, la discipline te fera tenir.

Pour finir:

Brutus a commencé la rentrée sans aucune amélioration de son niveau artistique. Il n’a pas appliqué le plan d’apprentissage qu'il a passé tellement de temps à concevoir, pendant ce temps, d’autres camarades ont profité au maximum du temps des vacances pour se mettre à niveau pour devenir des vrais artistes. Brutus a dû apprendre une précieuse leçon:

Planifier est beaucoup plus facile qu’agir

Planifier donne une fausse sensation de progrès, c’est quelque chose d’extrêmement agréable puisqu’on visualise les succès et les bienfaits qu’on obtiendra, mais tant que tu n’agis pas, planifier ne te rapprochera pas de tes objectifs. Planifier excessivement est une façon de surestimer notre productivité et motivation future, c’est une façon d’auto-illusion et autotromperie, de procrastination.

La planification sans l’action est un piège qu’il faut éviter à tout prix.

Fait mieux que parfait. Bien, est suffisant.

L’organisation et la prévision sont utiles tant que nous ne restions pas coincés à ces étapes. Tu ne peux pas manoeuvrer si la voiture n'est pas en mouvement. Nous avons observé dans cette petite fable que Brutus voulait absolument avoir tous les éléments sous contrôle en avance et croyait qu’il pouvait prévoir les éléments et tâches nécessaires à son apprentissage, mais souvent ces choses ne peuvent être découvertes que lorsqu’on se met à travailler, c'est lorsqu'on roule qu'on se rends compte des pannes.

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

Nous ne sommes pas omniscientes. Notre esprit sculpte la réalité avec la faible quantité de pièces à sa disposition, pièces pas spécialement très fiables. Nous percevons le monde à travers de sens limités et interprétons ces perceptions avec un système nerveux limité lui aussi. Avec un tel panoramique, nous ne pouvons pas tout prévoir, de ce fait il y aura toujours des imprévus dans notre chemin et dans n’importe quel projet que nous entreprenons.

Prétendre de prévoir tout est tout aussi absurde que prétendre de rédiger un roman avec une vieille machine à écrire sans faire une seule erreur de frappe et ce avec notre main non dominante.

Même le meilleur des auteurs ne peut pas échapper à l’étape d’édition et de correction d’un roman, mais c’est en corrigeant qu’ont été écrites les meilleures œuvres de la littérature universelle.

Prétendre de prévoir tout est tout aussi absurde que demander à une équipe d’ingénieurs de concevoir une fusée complètement fonctionnelle sans faire d’abord des modèles intermédiaires.

Même les équipes d’ingénieurs les plus intelligents et brillants du monde ne peuvent pas concevoir un produit final dès le début, c’est la raison d’être des prototypes. Le prototype deviendra après toutes les corrections nécessaires et après des nombreaux tests d'essai et d'erreur, un produit commercialisable.

Chaque fois que Brutus prévoyait quelque chose, un nouvel élément qu’il n’avait pas eu en compte venait se rajouter dans son chemin comme un petit caillou dans sa chaussure. Il devait donc adapter son plan.

La question est donc: Si, quoi que l’on fasse (que l’on planifie beaucoup ou peu) on devra adapter notre plan aux imprévus, pourquoi ne pas partir d’un plan minimaliste et commencer à l’appliquer de suite ? Pourquoi s’obséder et se perdre dans la planification ? Pourquoi ne pas développer le super-pouvoir d’agir en s’adaptant aux imprévus — les aimer, même — ?

L’avantage de l’action sur la planification est qu’elle nous amène beaucoup plus vite aux imprévus et donc elle nous amène aussi vite à leur correction.

La thématique de cet article ressemble à celle de l’article d’inauguration du blog, après tout le perfectionnisme et la planification excessive sont deux faces de la même monnaie. Nous nous répétons peut-être, mais les choses importantes doivent être répétées.

Conclusion

Une voiture ne peut pas être manouvré si elle n'est pas en mouvmenet

Article effrontément inspiré de l’article "No necesitas más información, sino acción" de Wmedia